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In Memoriam : François Hominal, ancien Directeur de l’Institut Ricci, aux facultés Loyola Paris

Nous apprenons le décès, après une longue maladie, de M. François Hominal, scientifique et sinologue, ancien Directeur de l’Institut Ricci.

Nous le remercions pour cette mission qu’il avait acceptée au service de notre institution et assurons ses proches de nos prières.

 

Parcours de vie

Lyonnais, François Hominal après une prépa à Sainte Geneviève (Versailles) a été reçu à  Polytechnique, mais  démissionne pour entrer au noviciat jésuite en octobre 1965. Il est ensuite engagé dans un parcours d’études incluant mathématiques et sinologie et soutient une thèse en 1973 sur le langage mathématique chinois, puis passe deux ans à l’Ecole des Langues de Pékin. Après avoir quitté les Jésuites, de 1977 à 1980 il est au Centre de Recherches Linguistiques sur l’Asie Orientale (EHESS) et publie La terminologie mathématique en chinois moderne. 

Puis commence une vie professionnelle. En 1978-1984, il travaille à Creusot-Loire dont il est le représentant en Chine. De 1984 à 1989, il est au COMEF (Agence de vente de matériel scientifique français dans les pays de l’Est dont il est le représentant en Chine). De 1989 à 2011, il travaille à Geismar (Société de vente de matériel pour l’entretien des voies ferrées) ; ayant appris le russe, il en est le représentant principalement à Moscou.

Après sa retraite, avec son épouse Xiaoqin, il promène et commente l’Exposition Matteo Ricci dans sept grandes villes de Chine ; il fait aussi visiter la France et l’Italie au célèbre philosophe, le professeur Chen Lai ; il collabore au Coin des Penseurs. En 2012, il devient Directeur de l’Institut Ricci, tout en menant à bien sa traduction dûment annotée du Tian Wen « le Ciel interroge » du célèbre poète patriote Qu Yuan (343-290). Mais, en 2018, à 72 ans, il est frappé d’une forme aigüe de la maladie d’alzheimer.

Il passe ses six dernières années chez lui, avec son épouse et  ses deux fils, Paul et Jean, qui l’entourent et le soutiennent alors que sa santé se dégrade.

 

Jean-Paul Deroches, archéologue, mongoliste, Conservateur général du patrimoine au Musée Guimet se souvient :

 « La disparition de François me remplit de tristesse, d’autant plus que nous nous connaissions depuis plus de 50 ans. Je me souviens parfaitement de notre première rencontre, le 17 novembre 1973 dans le vol Air France Paris/Pékin. À l’époque le voyage était long avec 4 escales, mais aussi autorisait une belle opportunité pour nouer des fils invisibles.
Tant et si bien, qu’à notre arrivée 48 heures plus tard, à l’École des Langues de Pékin, quand il fallut choisir un 同屋, c’est-à-dire un collègue de chambre, François m’a proposé ce partage, ce que volontiers j’ai accepté.
Discret, silencieux, attentif, nous allions passer ensemble une année universitaire lumineuse émaillée de découvertes. En fait, nous faisions partie du premier contingent d’une vingtaine d’étudiants français en Chine, suite aux accords signés lors de la visite officielle du Président Georges Pompidou deux mois auparavant. Toutefois, à la différence de nos compatriotes venus pour s’imprégner d’une Chine maoïste, nous, nous étions en décalage, François impliqué dans l’univers des sciences mathématiques, moi-même immergé dans le monde de l’archéologie ancienne. Chacun cependant cherchait au travers du prisme de sa spécialité à saisir les clés fondamentales qui guidaient cette Chine au-delà des slogans politiques enflammant les esprits.
François était un élément remarquable, étonnant par exemple les ingénieurs chinois lors du travail obligatoire en usine par ses performances mathématiques, car même sans règle à calculer, il parvenait au résultat plus rapidement que ses partenaires chinois dûment équipés ! On comprend ainsi pourquoi il passera brillamment sa thèse de doctorat et qu’entre 1977 et 1980, il va être l’auteur de plusieurs contributions scientifiques et publiera un premier ouvrage sur “La Terminologie mathématique en chinois moderne“. Il ne faut donc s’étonner de le voir rapidement intégrer l’équipe du Grand Dictionnaire Ricci, ce projet titanesque né vingt ans plus tôt à Taipei, autour de personnes d’exception, comme Yves Raguin ou Claude Larre. Bien que je ne veuille pas m’étendre sur le chapitre de sa vie privée, on ne saurait limiter son existence uniquement à ses seuls travaux sinologiques. Marié avec Xiaoqin et père de Paul et de Jean, il va accéder à une solide carrière internationale dans le monde de l’entreprise, occupant des postes de direction tant en Chine qu’en Russie. À l’occasion, et au fil de ces années professionnelles, quand nos routes venaient à se croiser, j’ai constaté son fidèle attachement aux textes fondateurs de la pensée chinoise qui ne l’avait jamais quitté et va le conduire à l’âge de la retraite à accepter de prendre la direction de l’Institut Ricci du Centre Sèvres (ancien nom des Facultés Loyola Paris).
Ainsi allait-il pouvoir renouer avec ce qui n’avait jamais cessé de le nourrir, cette plénitude des textes anciens qui interrogent l’homme sur sa présence dans l’univers.
En s’attachant au cours des dernières années de sa vie à une traduction du 天问 “Le Ciel interroge“, parue en 2019, du poète Qu Yuan, une oeuvre difficile apparue vers 310 avant notre ère, François allait à nouveau se confronter aux gemmes de la culture chinoise, parachevant ainsi son chemin de vie fait d’une suite d’accomplissements. Paix à ton âme François, et merci pour les trésors que tu nous laisses en partage ».

 

 

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